Une amie ‘’Grace’’ (appelons –la ainsi) a partagé avec moi toute sa colère et frustration face à ce qu’elle appelle le cynisme et l’absence de compassion qui l’entoure alors qu’elle est confronté à des événements difficiles. J’ai l’impression que personne ne comprend vraiment ce qui m’arrive. Je n’entend que des mots du genre ‘’prend la vie du bon côté’’ ; ‘’essaie de tourner la page’’ ; Je ne sais plus quoi faire. Je me sens comme emprisonnée au milieu de vagues qui me retombent dessus encore et encore ! Comment pourrais-je « tourner une page » quand tous les matins, les griffes du souvenir me laissent des traces sur le visage ? Comment passer à autre chose quand le désarroi, le désespoir et la peur me tétanisent et m’immobilisent à tout instant? Comment oser me demander de faire comme si de rien n’était comme si ce j’avais inventé ce qui m’est arrivé? Comment vivre une vie normale après tout ce que j’ai enduré ? Comment regarder à nouveau le soleil quand chaque battement de cil est un supplice et que mon cœur ne reconnaît plus son propre rythme ? Pourquoi n’ai-je pas le droit d’exprimer mes ressentiments ? Tous ceux qui me demandent l’impossible aujourd’hui, ont-ils jamais été confrontés à ce que je vis en ce moment ? Où est le signe de respect et compassion ? Tout ce que je veux c’est que l’on me laisse tranquille, car personne ne me comprend….’’ A mesure que Grace parlait, j’avais l’impression de toucher sa douleur à pleines mains. Chacun de ses mots était empreint d’un bout de son coeur. Hum….. ! Elle avait toutes les raisons d’en vouloir à la terre entière.
‘’Tourner la page’’ ! Combien de fois n’avons-nous pas entendu ces mots qui sont censés nous réconforter ? Mais lorsque la douleur nous étreint le cœur, nos oreilles sont-ils prêts à entendre ces mots ? Est-ce le bon moment pour accepter que l’on nous dicte la bonne attitude à avoir dans ces moments inconfortables ? Pourquoi nous demander d’oublier lorsque l’envie du souvenir est plus fort ? D’ailleurs peut-on vraiment oublier ? Comment faire pour pardonner lorsque nos doigts ne cessent de retracer les mêmes signes ? A chaque fois que la douleur frappe à notre porte, l’invite est également présente pour outrepasser, oublier et pardonner. Et à travers nos yeux embués de larmes qui ont longtemps fini de faire leur effet, nous regardons, impuissants, le monde défiler sous nos yeux sans expression.
Tous les coups de la vie sont des expériences qui sont plus ou moins agréables. On aimerait que certains se prolongent à l’infini alors que pour d’autres, il aurait mieux valu qu’ils n’aient jamais existé. Mais ils sont importants parce que ce sont les nôtres dans leurs diversités. ‘’Tourner une page’’ de notre vie n’est pas aussi simple que tourner les pages d’un livre. Un récit captivant nous entrainerait jusqu’au bout du livre, page après page. Et pourtant tel un athlète, nous devons nous appuyer sur toute notre énergie pour prendre l’envol nécessaire qui nous permettra de franchir l’obstacle. Et cet effort ne se trouve nul part ailleurs qu’à l’intérieur de nous-même. La décision doit venir de nous-mêmes.
Je n’ai pas cette capacité de ‘’ramasser’’ toutes mes déceptions, rancoeurs, frustrations et souffrances et les jeter par dessus l’épaule d’un seul geste VLAN !!! Mais je voudrais pouvoir tourner toutes les pages de ma vie à mon rythme. Je ne pourrais les refouler quelque part au fond de moi. Ils continueraient à refaire surface de temps à autre. Je veux prendre la force de les regarder bien en face et ensuite les surpasser pour les classer loin de moi et pouvoir pardonner et ne rien oublier. Ma vie avec ses hauts et ses bas, est le plus beau des romans.
C’est quand ‘’tourner une page’’ est une décision et non un diktat que nous pouvons renouer avec le plaisir d’aller jusqu’au bout de la vie comme un livre captivant. A la prochaine !
LM
